L'informatique, science du traitement de l'information, est un domaine
jeune, semblant traverser une crise de croissance, une fuite en avant
permanente depuis qu'elle existe, ou en tout cas depuis qu'elle se
trouve sur le bureau de beaucoup d'entre nous.
Pourtant, lorsqu'on s'intéresse de très près à ce domaine, qu'on
passe petit-à-petit du stade d'utilisateur d'applicatifs à celui
d'administrateur système et/ou a celui de programmeur, on est mis en
face d'un historique de l'informatique, dans le sens ou les outils de
bases qui permettent de construire dans ce domaine immatériel, que ce
soit les langages de programmations ou les systèmes d'exploitations,
n'ont conceptuellement pas changé depuis 30 ans. Le langage C, le plus
utilisé pour construire les systèmes et applicatifs que nous rencontrons
quotidiennement, existe depuis le début des années 70, comme les
systèmes UNIX et VMS, base des systèmes Linux et Windows NT. Ceci
contraste avec le foisonnement d'avancées techniques clamées a grand
renfort de publicité par les ténors industriels de l'informatique.
Pourquoi un domaine basé sur des concepts de logiques si solides, si
épurés, si aisés a systématiser, se présente-t-il devant nous sous forme
de systèmes aussi instables, presque vivants tant la liste de 'bugs'
interagissant avec le fonctionnement attendu est longue et non
maîtrisée?
C'est à force de me poser ces questions, qu'à titre personnel, j'ai
voulu découvrir autre chose que DOS, Windows et Apple avec son MacOS.
J'ai installé Linux, de rage, après que Windows ait réduit à néant
quelques jours de travail en plantant, et corrompant un travail pratique
de physique que je rédigeais sous word.
Linux
La découverte d'un tel système n'était pas aisée à l'époque (1994) et
accessible aux seuls passionnés d'informatique. Ce qui attire la
plupart des futurs adeptes de linux vers linux, c'est l'ouverture
totale est bien concrète du système, à tous les niveaux (la grande
majorité de ses applicatifs est disponible avec le code source).
Beaucoup de sociétés revendiquent l'ouverture de leurs solutions
logicielles, mais celle-ci est généralement très partielle, l'idée de
livrer le code source d'un tel produit étant difficilement conciliable
avec le fait de capitaliser dans son développement.
Quand bien même est-ce le cas, on butte sur une fermeture "en-dessous"
au niveau du système d'exploitation, qui, à l'exception des systèmes
d'exploitations libres (Linux, BSD) ne permettent pas un traçage
détaillé de ce qu'ils font lorsque un applicatif les charge d'une
tache, ou ne l'autorisent qu'après l'achat d'un kit de développement
coûtant plusieurs milliers de francs par poste de travail.
Mais est-ce bien utile de bénéficier d'une ouverture jusqu'au code
source dans notre cas? Pour l'utilisation de l'informatique dans les
spécialisations techniques des écoles professionnelles, de techniciens,
d'ingénieurs et universitaires, OUI sans aucun doute. Pour les classes
de scolarité obligatoire, c'est assez clairement inutile a
l'utilisateur.
Par contre, le fait de ne pas montrer une seule culture informatique,
celle des géants tel que Microsoft et Apple, à des enfants, leur
expliquer que l'informatique, ce monde de l'immatériel, du
"virtuel", connaît comme le monde réel une diversité culturelle,
c'est fondamental. Se cantonner à montrer une seule de ces cultures
aurait des effets très normatifs.
En effet, l'ouverture totale de l'informatique libre ne se limite pas
à être avantageuse pour le développeur, elle crée une culture
informatique dans les mains du publique, sans employeur au-dessus d'eux
qui pourrait limiter leur franc parler, une culture du partage de
l'information, discutant de problèmes informatiques sur des forums,
mélangeant simples utilisateurs et programmeurs chevronnés, une culture
foisonnante, encadrée par très peu de règles, si ce n'est celles des
besoins des utilisateurs et du bon vouloir de programmeurs amateurs ou
professionnels de créer des logiciels libres.
Contrairement au cas des logiciels propriétaires, il circule en effet
autour des logiciels libres, une information très saine, détaillée et
précise, sans retenue, au sujet du dernier bug, du dernier problème
d'utilisation rencontré. Cet état de fait est en accord avec l'esprit
dans lequel est développé le logiciel. En effet, en livrant le code
source à l'utilisateur, on abandonne l'idée de cacher ses éventuelles
erreurs ou maladresses de programmations, il devient inutile d'essayer
de cacher ou d'altérer l'information quand à la réalité lorsque un
défaut (bug) est constaté par un utilisateur.
Cette manière de faire circuler l'information a l'avantage de
structurer l'esprit face à la technologie, de devenir critique face à
celle-ci, qualité ô combien indispensable désormais.
La plupart des sociétés de technologies devenues des noms de marques,
exploitent de manière abusive le manque d'esprit critique de la
majorité d'entre nous face à la technologie. Faisons en sorte que le
fossé entre les gens bardés d'informations techniques abstraites et le
commun des mortels ne continuent pas a s'étendre. Par l'ouverture des
logiciels libres, par une présence même discrète a l'école, juste
suffisante pour faire comprendre qu'il n'y a pas un standard en
informatique, mais une diversité laissant de nombreux choix possibles,
on peut faire avancer les choses dans cette direction.